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En parcourant le site de l'Institut d'Histoire de l'Académie des Sciences du Tatarstan, je suis tombée sur une phrase très curieuse et intéressante du directeur de cette institut, Monsieur R.S. Khakimov. Cela ressemblait à ceci :
« Les Tatars, l'un des rares peuples au sujet duquel légendes et mensonges sont beaucoup plus répandus que vérités. »

Après l’avoir rencontré à Kazan en 2014, je lui ai demandé de s’expliquer sur ce sujet pour notre site. Ce qui suit est tiré en grande partie d’un document produit par R.S. Khakimov en complément de son interview. Ceci en est la traduction française. Des références bibliographiques sont données dans l’article d’origine en langue russe que vous pouvez trouver sur notre site.

Ce texte contient beaucoup de références à des noms de lieux, de peuples ou de personnages généralement assez peu connus par les lecteurs francophones. Dans la mesure du possible vous trouverez sous forme de (note du traducteur = ndt) quelques informations et les noms francisés qui vous permettront d’accéder spécifiquement à des compléments sur la version française de Wikipedia. L’orthographe tatar (au lieu de tartare) a été choisie comme plus proche du phonème local…

R.S. Khakimov. Je ne sais pas ce qu’un simple profane français connaît des Tatars...

Mais je sais ce que contiennent les sources médiévales européennes les plus courantes, parmi lesquelles l’encyclique du Pape Boniface IX répondant à une demande du prince Vitold, grand duc de Lituanie, pour déclarer la croisade contre les Tatars.

Je tiens à ajouter que la croisade contre les Tatars a été idéologiquement complètement mise en œuvre.

A l’époque, pour la plupart des historiens européens les Tatars ont été synonymes de l'enfer. Pour eux, les Tatars étaient des hordes sauvages qui cherchaient à conquérir l'Europe... Aujourd'hui dans la littérature c'est ce qu'on appelle la légende noire.

Avons-nous aujourd’hui une bonne compréhension de ce que sont les Tatars?

Les Tatars sont un peuple turc (attention cette appellation de - turc - ne fait pas références à la Turquie actuelle, ni même à l’empire ottoman, ndt), constitués de nombreux composants. Les Huns occidentaux en étaient un des composants ethniques connus. Les Huns sont mentionnés dans les chroniques chinoises depuis le 3ème siècle avant J.C. Nous pouvons discuter des Huns pour savoirs s’ils sont des tribus turques ou non, s’ils forment ou non une union de tribus... Mais de nombreux historiens reconnaissent le fait que des tribus turques en faisaient parti. Parmi les descendants directs des Huns nous trouvons les Bulgares qui ont fondé leur propre Etat sur les rives de la mer d'Azov, de la Volga et du Danube.

J’ai fait cette digression avec l'histoire des Huns, pour noter que le manque de compréhension dans la composition du peuple tatar se produit souvent parce que d’autres noms que Tatar leur ont été donnés.

On a l’habitude de ne parler des Tatars qu’à partir de l’époque mongole. Mais il convient de noter qu'ils avaient déjà bien avant cette époque une structure étatique.
Lorsque les Tartares étaient rattachés au Khaganat Turc (type d’empire turc rattaché à un suzerain, le Khagan, ndt), ils ont joué un rôle important dans les relations entre l'empire chinois et les Turcs.
Au 8ème siècle, les Tatars sont mentionnés dans les sources comme une union de tribus.

Une inscription runique de 753, sur une stèle au lac Terkhiin (dans l’état actuel de Mongolie, ndt) dit :
« Lorsque ces lettres ont été écrites - oh mon Khan ! - étaient présents des notables de mon Khan du ciel ; c’était des Tatars des huit tribus, dix-sept buyruq d’Az (équivalent des centurions romains, ndt), des sengün et le millième du peuple Tongra (des tribus mongoles, ndt), le peuple ouïghour, et mes Tegin (titre donné à des enfants du Khan, ndt). »

En d'autres termes, les Tatars étaient bien un des peuples du Khanat (royaume dont le chef était le Khan à l’intérieur de l’empire, dont le chef était le Khagan, ndt). Les écritures suivantes précisent que Eletmish Bilgue – Kagan (un empereur, ndt) - probablement en 742 - avait encore huit tribus tatares sous ses ordres, et juste en dessous il est indiqué que :
« Dans l'année du Cochon (en 747), les
Karlouks (tribus nomades du sud de la mer d’Aral, ndt) de trois tribus et des Tatars de neuf tribus ont demandé respectueusement à devenir un Khanat. »

A l’origine, les Tatars avaient été l’un des peuples assujettis les plus actifs participants à la formation de l’ethnie turque.

Parfois, certaines tribus tatares étaient autonomes, telles que les Kimaks, qui ont fondé au 10ème siècle un Khanat indépendant, le Kimak, et ont joué un rôle remarquable dans l'histoire de l'Eurasie.

Les anciens chroniqueurs identifiaient le territoire des tribus tatares en l’appelant généralement la steppe tatare. C’était entre le Gansu (province du centre-nord de la Chine, ndt) et le Turkestan oriental.

Nous allons parler d'un autre fait historique important. Les Huns (une grande partie était turcophone), puis différentes tribus turques ont maîtrisé très tôt les territoires entre la Volga et l'Oural.

Lorsque le Khan Istemi Kagan en 558 a achevé la conquête des régions de la Volga à l'Oural, des tribus turques, les descendants des Huns occidentaux, y vivaient déjà.

La Bulgarie de la Volga occupe une place particulière dans la conscience des Tatars à cause de sa conversion volontaire à l'Islam en 922.

Plus tard la ville de Bolgar (proche de la Volga, une centaine de km au sud de Kazan, ndt) est devenu la première ville de Batu Khan le petit-fils de Gengis Khan, en tant que capitale du Khanat nommé Ulus Jochi. Ce statut influencera l’apparence de la ville et la destinée du peuple.

Cet héritage bulgare influencera un Khan Ouzbek qui fera de l’islam une religion d’état pour la Horde d'Or. La question bulgare ne peut pas tout expliquer de l'histoire des origines des Tatars, mais elle joue un rôle particulier, je pourrais dire sacré, pour la conscience de l'identité tatare.

Sur le thème de la Bulgarie de la Volga il y a beaucoup de spéculations.

Dans la période soviétique, une décision du comité central du PCUS en 1944 a été d’interdire d'étudier la Horde d'Or et les Khanats tatars. Les réflexions historiques sur les origines des Tatars étaient orientées en totalité vers les Bulgares de la Volga.

Ce constructivisme idéologique est maintenu par le soi-disant mouvement les Bulgares, qui demande toujours au gouvernement de renommer les Tatars en Bulgares. La persistance de la demande est de nature politique. Il est évident d’analyser le caractère artificiel de cette position. Qu'il suffise de dire que l’approche de les Bulgares rejette toute la période globalement turque, ce qui n'est possible que par une distorsion délibérée de l'histoire. Cette dichotomie établie par les Bulgares entre les faits culturels tatars réels et leur reconnaissance comme des avatars de culture Bulgares porte des traces de schizophrénie sociale.

Le fait que les Tatars n'avait jamais eu une conscience dichotomique sur leurs origines est bien illustré par la légende d'Alp, où les Turcs, les Bulgares et les Burtases (tribu turque de la rive droite du cours inférieur de la Volga, ndt) sont des ancêtres communs des Tatars modernes.

Selon la légende, Noé avait trois fils, dont l’un était Japhet ; c’est ainsi que commence l'histoire. A son tour, Japhet eu également trois fils, Ghazi, Turk et Alp. Ils étaient beaux et forts, mais ils se sont finalement disputés et la guerre entre Ghazi et Turk a éclaté. Cette guerre se termina par la victoire de Turk, qui néanmoins a décidé de quitter sa terre natale et de se rendre vers le nord, où il s’est installé à côté d’une grande rivière.

Alp était un hercule qui pouvait déplacer des montagnes et soulever un cheval avec une seule main. Un jour il est allé vers des contrées lointaines, il s’est perdu et il ne pouvaient plus trouver le chemin du retour. Alors il est allé vers la rivière et il y a rencontré une tribu parlant une langue similaire à la sienne. Il y choisi son épouse et est resté avec cette tribu. Alp a eu deux fils et il ne savait pas comment les appeler. Tout à coup les nuages sont apparus, il a fait froid et les enfants se sont mis à crier. Alp a essayé de les calmer, mais les enfants ont continué de pleurer. Puis Alp a pensé qu'ils ne pleuraient pas pour rien. Evidemment, il faut leur donner des noms. Alp a pris conseil auprès de sa femme et ils les ont nommé l’un Bulgare, et un l’autre Burtas. Les enfants d’Alp ont grandi comme des hercules, et ils fondèrent plus tard deux villes. Chaque fils fut le fondateur d’un peuple. Au début, ils parlaient la même langue, puis ses langues ont commencé à diverger.

C'est le sujet de la légende en raccourci. De toute évidence, elle présente l'origine ethnique des Tatars modernes, où les ancêtres semblent Turcs, Bulgares et Burtas.

Il est difficile d'identifier historiquement la figure légendaire d’Alp. Ce pourrait être simplement un héros de légende ou un titre. Un prince Hun du Caucase du nord, en 660, nommé Movzes Kagankatvatsi avait également le nom de Alp Iletver, c'est-à-dire le héros Elteber. Il se situait au 3ème rang dans la hiérarchie du Khanat après le Kagan et son héritier.

Le fait est que Alp a occupé un poste assez élevé dans la hiérarchie turque. Dans le nord-ouest de la Mongolie on trouve une inscription qui indique que Alp avait le titre de Essen (titre important dans un Khanat, ndt). Cette inscription figure sur le monument Bayan-Choru (situé en Mongolie, à proximité de la frontière au sud du lac Baïkal , ndt) pour Eletmish Kagan (747 - 759).

S.G. Klyashtorny date cette inscription de la seconde moitié du 8ème siècle ou du 9ème siècle.

Il écrit que l'un des tamgas (sorte de logo d’un clan, ndt) de cette écriture est typologiquement semblable à celui d’un des trois tamgas d’un Kagan d’une dynastie ouïghoure.

De toute évidence, l'époque évoquée par cette légende correspond à celle où se sont constitués de nouveaux états de tribus turques, notamment celle des Bulgares de la Volga.

En règle générale, l'ethnonyme (nom des habitants d’un lieu, ndt), jusqu'à une époque récente, doit être manipulé avec beaucoup de précaution, parce que l'identité ethnique ne coïncide pas obligatoirement avec le nom que se donne la population concernée et a souvent été lié au territoire, aux rivières ou aux individus héroïques.

La métamorphose de l'ethnonyme est parfois si complexe qu'il est difficile de trouver ses racines originelles.

Qui peut dire d’où est venu l'ethnonyme russe ? De Varègue ou de Slave? Et pourquoi le nom propre Russe est-il dérivé d'un adjectif, alors que pour beaucoup d’autres ethnonymes ce n’est pas le cas ?

Pour l'ethnonyme Tatar le cheminement est assez compliqué. A l'origine, ce nom était celui de tribus qui vivaient au nord de la Grande Muraille de Chine. Puis les Chinois ont commencé à appelé tous les gens qui vivaient au nord de la Chine des Tatares et ce territoire lui-même a été appelé le Dasht-i-Tatar, la Terre des Tatars. Les historiens chinois ont considéré que le terme tatar avait un sens collectif.

Edward Parker (sinologue britannique du début du 20ème siècle), en se basant sur des chroniques chinoises, nomme Tatars aussi bien les Huns, les Avars (tribu nomade de Mongolie, ndt), les Turcs, que les Syanbiy (tribu de l’Altaï, ndt).

A cette époque il n'y avait pas d'ethnie ou de nationalité à notre sens. Les tribus se séparaient ou se rassemblaient facilement en créant des alliances, et les noms propres des dirigeants ou le nom des clans devenaient l’identifiant des groupes ethniques.

Certains experts estiment que les anciens Tatars étaient des Mongols, cependant Rashid al-Din, l'historien faisant le plus autorité sur la période (12ème siècle, ndt), les considérait comme une ethnie turque. Et on ne parle des Mongols dans les chroniques historiques que plusieurs siècles après avoir parlé des Tatares.

Mahmoud Kashgar (savant d’Asie Centrale du 11ème siècle, ndt) bon connaisseur des langues turques, identifiait les Tatars comme une famille turque. Et il situait le Dasht-i-Tatar (la steppe des Tatars, ndt) entre le Nord de la Chine et le Turkestan oriental.

Les nomades qui vivaient au sud du désert de Gobi étaient appelés des Tatars blancs. La plupart d'entre eux étaient des öngüts (tribus turcophones vivant alors dans l’actuelle Mongolie, ndt).
Les Tatars noirs, y compris les Keraïts (autre tribu turcophones vivant alors de l’actuelle Mongolie), vivaient dans le désert loin des centres culturels. Ils dormaient au milieu des chariots disposés en rond dans de sorte de yourte.
Les Tatars sauvages de Sibérie du Sud vivaient de chasse et de pêche ; gérés par les anciens, ils n’avaient pas de Kahn.

Etant donné qu’il y avait plusieurs états tatars (les chroniques chinoises et arabes en dénombrent six), l’ethnonyme Tatar était porté par plusieurs tribus mongoles et turques différentes.

D’ailleurs, plus tard, le célèbre Gengis Khan, identifié comme un conquérant mongol, sera appelé Tatar par certains historiens, qui parleront de l’empire mongol comme étant la Tartarie.

Munali (gouverneur de Gengis Khan dans le nord de la Chine, ndt) disait d’eux-mêmes : « nous, les Tatars », ce qui correspondait à la tradition chinoise, mais ne répondait pas à l'origine ethnique. Au fil du temps, l'ensemble de l'Eurasie est devenu synonyme de Tartarie tel qu'il est inscrit sur des cartes médiévales.

Les Mongols du temps de Gengis Khan se sont identifiés séparément des Tatars. Les Mongols étaient l'élite dirigeante et les meilleures troupes en étaient composées ; la plupart des généraux étaient des Mongols.

La majorité des soldats de base étaient turcophones. Ces soldats de base et la population associée ont été progressivement identifiées sous le nom de Tatar.

Le moine hongrois Julian, qui a assisté à la conquête de l'Oural en 1236, a déclaré :
« Dans tous les royaumes conquis, ils (l’élite mongole, ndt) ont immédiatement tué les princes et les seigneurs dont ils se méfiaient... Les autochtones aptes étaient armés contre leur volonté et envoyés se battre en première ligne. Les autres moins apte à combattre, devaient travailler la terre ... Et ils étaient obligés de s’appeler des Tatars. »

Ce premier ethnonyme multiple artificiel a ensuite été renforcé par l'unité culturelle et linguistique.

Ceci a contribué à la formation de la Horde d'Or en tant qu'Etat indépendant, dont la culture était si puissante qu'elle entraînait comme un tourbillon autour d’elle les nations les plus faibles.

L'identité globale et la langue officielle basée sur le dialecte Kiptchak (les Kiptchaks, Polovtsiens en russe, sont une tribu turcophone du nord de la mer d’Aral et de la Mer Noire, ndt), firent le reste.

Il en est résulté au moyen age une communauté tatare ou plus exactement, turco-tatare.

La convergence entre la langue tatare et le Kiptchak a commencé très tôt (8ème et 9ème siècles) dans le Khanat tatar du Kimak (sud de la Sibérie et Kazakhstan actuel, ndt) qui avait rejoint les Kiptchaks. Ironie du sort, les Kiptchaks, dont la langue était devenue dominante, ont cessé d’exister eux-mêmes comme nation.

Al-Omari, un savant arabe a écrit à propos de la Dasht-i-Kiptchak (la steppe Kitchak, ndt) :
« Dans les temps anciens, cet état était le pays des Kiptchaks, mais après la conquête des Tatars il sont devenus leurs sujets. Puis les deux peuples se sont mêlés et se marièrent entre eux, et la terre l'emporta sur les qualités naturelles des deux races. »

Vous pouvez trouver parmi les racines des Tatars des éléments Kiptchak, et pareillement pour les Kazakhs, les Ouzbeks, les Nogaïs, les Bachkires et même pour certains Russes (surtout des Cosaques).

Un autre groupe ethnique, les Bulgares de la Volga se sont également dissous dans les Tatars, les Tchouvaches et les Bulgares du Danube. Toutefois, certains groupes ethniques ont conservé des signes locaux permettant de les identifier.

Toute nation est un composite qui est souvent liés par des liens multiples avec d'autres groupes ethniques.

Les Tatars et les Tchouvaches gardent la présence de la ligne bulgare génétique.

Il est difficile de séparer les Bashkirs des Nogaïs, tandis que les Magyars (Hongrois, ndt) ont joué un rôle important dans leur formation.

Plano Cerpini (moine italien du 13ème siècle, ndt) a comparé les Bashkirs avec les Magyars, en disant : « Les Bashkirs sont de grands Hongrois ».

Ce n’est qu’à partir de l’époque soviétique que Tatars et Nogaïs ont été considérés comme des peuples différents. Mais encore aujourd’hui, en Asie centrale, les Tatars continuent à être appelés des Nogaïs.

Le groupe nord des Tatars de Crimée, qui habitaient les steppes en dehors de la péninsule, était appelé des Nogaïs.
Pour les Kazakhs, les Bashkirs et les Tatars de la Volga étaient appelés des Nogaïs.
Pour les Kazakhs et les Bashkirs, les Tatars de Sibérie étaient des Nogaïs.

Aujourd'hui, nous avons bien conscience de la différence entre les Tatars et les Nogaïs, mais au Moyen Age, ils étaient considérés comme une seule nation.

Les peuplades turques sont constituées de tribus étroitement apparentées. L'épopée tatare « Idegey » commence par ces mots :

« Dans les temps anciens,
Là bas, où était le pays des Nogaïs
Et un ancêtre des Nogaïs était un Tatare,
Là bas, où était la capitale Saraï (capitale d’un Khanat de la Horde d’Or, ndt)
Là bas, où cours le libre
Idel (ancien nom tatar de la Volga)
Là bas, où était la scintillante Bolgar,

Là bas, où coulait l’eau du Yaïk, (ancien nom de la rivière Oural, ndt)
Là bas, où était la Horde d'Or,
Là bas, où vivaient les Kiptchak et les Bulgares,
Régnait sur la terre des Tatars
Le Khan nommé Toktamysh. »

L'ethnonyme Turc s’est formé à la suite d’un mélange ethnique de plusieurs tribus autour d'une langue et d’une culture ayant des éléments communs à la fin de 5ème siècle.

I.L. Kyzlasov a écrit :
« Parmi les nombreuses tribus turcophones, une s’appelait les Turcs et était le créateur du premier et du deuxième Khanat turc. D’autres peuple avec une langue proche avaient d’autres noms : Ouïghour, Basmil, Az, Chik, Karluk, etc... La peuplade des Turcs, réunissait un grand nombre (mais pas tous) des peuples turcophones et d’autres peuples parlant d’autres langues dans un immense empire eurasien, qui a élargi la portée politique du nom Turc ».

Selon certains chercheurs, le clan Ashina, qui a dirigé le Khanat Turc, était à l’origine des Syanbiys (un conglomérat de tribus turques et mongoles, ndt) dans un monde turc.

Dans les chroniques historiques chinoises dites Suyshu il est dit :
« Les ancêtres turcs étaient des Huns du Pingliang (province chinoise actuelle de Gansu, ndt). »

Leur qualificatif générique était Ashina. Lorsque l’empereur Tai Wu-di détruit Tszyuytsyuy (une localité en Chine ? ndt) en 439, un des Ashina a fui avec cinq cents familles vers le Ruanruan (territoire de tribus nomades du nord de la Chine, ndt). Ils ont vécu de génération en génération dans les montagnes de l’Altaï et travaillaient le fer.

Dans les sources anciennes il est mentionné que diverses tribus avaient des noms interchangeables.

C’était un jeu de cartes où temporairement une tribu ou un chef particulièrement remarquable dominait et donnait son nom à l’ensemble du peuple ou à l’état.

Les ethnonymes On-Oguz ou Dokuz-Oguz signifient dix ou neuf tribus. L'ethnonyme ouïghour vient du nom du clan Karluk associé à une région.

Dans la période de la Horde d'Or, on peut observer des phénomènes similaires.

Les Nogaïs avaient pris le nom du bek (comte, ndt) Nogaï.

Selon certaines sources, l’Ulus de Djötchi (territoire donné au 1er fils de Gengis Khan, ndt) au 14ème siècle a été nommé Ulus Ouzbek ou Ouzbékistan (ce n’est pas l’Ouzbékistan actuel,ndt).

Sur cette base, il serait erroné d'appeler les Tatares des Ouzbeks. Des musulmans fanatiques de la Horde d'Or au 14ème siècle avaient adopté le nouveau nom Ouzbeks en l'honneur du Khan Özbeg.

En 1428 la ville de Tioumen (en Sibérie occidentale, ndt) s'est éloignée de la Horde d’Or. A ce moment, le Khan Abul-Khair (descendant de Chayban est le fondateur de la dynastie des Chaybanides, ndt) et son ulus ont été appelés le peuple ouzbek et l’ulus ouzbek.

Timour Lan (Tamerlan, grand dirigeant de l’Ouzbékistan, ndt), les a utilisé dans sa lutte contre la Horde d'Or.

En Asie centrale, à l'époque, les nomades de la steppe Kiptchak orientale étaient appelés ouzbeks.

Isfahani (théologien et voyageur arabe du 16ème siècle, ndt) écrit :
« Trois tribus, très illustres dans l’empire de Gengis Khan, sont des Ouzbeks. Maintenant, l’une d’elle s’appelle les Chaybanides… La seconde tribu, les Kazakhs (du Kazakhstan actuel, ndt) qui sont célèbres dans le monde entier pour leur force et leur intrépidité, et une troisième tribu les Manghud » (Edigu Mangit fut le fondateur de la Horde Nogaï, ndt)... »

Dans l’union ouzbèke, de la vie de Abul-Khair le noyau des futurs Kazakhs a commencé à se constituer.

Abdulrazak Samarkandi (historien arabe du 15ème siècle, ndt) écrit :
« De temps en temps, certains éléments de l'armée ouzbèke, qui sont devenus les Kazakhs, venaient faire des razzias dans le Mazandaran (province du nord de l’Iran actuel, ndt.) »

Parfois, ils sont appelés dans les annales historiques Ouzbeks-Kazakhs.

Chayban lui-même le fils de Djötchi, selon son historien, considère que les Ouzbeks étaient des tribus nomades de l’ulus Chayban, et que les Kazakh étaient des tribus nomades de l’ulus Orda-Ichen. En réalité, ils diffèrent ethniquement peu les uns des autres.

Ce n’est qu’au 16ème siècle que Abul-Khair, après avoir conquis Samarkand et Boukhara alors de l’empire de Timour Lan (Tamerlan, ndt), a diffusé le nom de ouzbek dans les tribus turques d'Asie centrale.

A partir de ce moment on commence à tenir compte de différences de forme entre les Tatars, les Ouzbeks et les Kazakhs.

Avec l'effondrement de la Horde d'Or et l'émergence de nombreux Khanats turco-tatars les différences territoriales deviennent plus prononcées. Par exemple, les Kazakhs sont issus de la Horde Blanche.

En Asie centrale, certaines langues du groupe turc sont influencées par le persan et il apparaît une langue ouzbèke moderne basée sur le dialecte tchaghataï. Les Tatars de Crimée, longtemps sous le protectorat de l'Empire ottoman, ont assimilé de nombreux éléments d'origine turque (Oghouze). D'autres groupes ethniques turcs, en situation d'isolement relatif, ont développé des caractéristiques locales. Aujourd'hui, ils sont appelés Azerbaïdjanais, Koumyks (à l’est du Dagestan, ndt), Balkars (nord-Caucase, ndt), Karatchaïs (nord-Caucase également, ndt), etc…

Dans les temps modernes, la plupart des noms de groupes ethniques proviennent de la zone de résidence. Les Turco-Tatars, qui ont vécu en Sibérie sont connus sous le nom Tatar de Sibérie, les Tatars qui vivaient en Crimée sont les Tatars de Crimée , les Tatars qui vivaient à Astrakhan les Tatars Astrakhans , ceux qui vivaient à Meschera (sud est de Moscou, ndt) les Tatar-Mishars, ceux qui vivaient sur les terres bachkir les Bachkirs, etc…

Nous pouvons accepter que dans la formation de quelque peuplade il puisse y avoir un peu plus de sang kiptchak ou bien des influences bulgares ou encore un héritage khazar (peuple semi-nomade proche de la mer Caspienne, ndt) ou ougrien (peuple de la Sibérie occidentale, ndt).

Tous les peuples turcophones existants aujourd'hui sont des fusions de toutes ces tribus. Mais en somme, ils sont les héritiers d'une culture commune, fondée sur la stabilité remarquable des dialectes turco-tatars.

Dans la nature, des groupes ethniques purs n'existent pas. Chaque nation est constituée d’élément en provenance de nombreuses tribus et groupes ethniques. Selon l’homme politique tatar de la fin du 19ème siècle, Sadrıy Maqsudıy :
« Tous les efforts visant à trouver une ligne de continuité ethnique, tribale ou clanique, entre les tribus turques antiques ou médiévales et les communautés ethniques modernes turques sont stériles et ne pourront jamais donner un résultat positif ».

C'est pourquoi lorsque nous parlons de l'histoire antique ou médiévale, le terme de civilisation turco-tatare est préférable au terme de civilisation tatare. Ce terme donne une meilleure interprétation ethnique de l’histoire, la rendant plus objective et expliquant les affinités existantes entre les peuples turcs. Commencer l'histoire des Tatars avec les Bulgares est une limitation de l’histoire. Il y a une période historique plus précoce.

Par exemple, dans le territoire actuel du Tatarstan il y a une ville située juste en face de la ville de Bolgar qui s’appelle Tétyouchi . Elle a été fondée comme avant-poste au cours du premier Khanat turc, probablement pendant les années où Istemi Khagan a conquis la région de la Volga (558 - 559). Au 7ème siècle les Ougriens y sont apparus et ce n’est qu’au 9ème siècle que les Bulgares s’y installent.

En d'autres termes, avant l’apparition des Bulgares et la fondation de l'Etat bulgare d’autres ancêtres des Tatars étaient présents depuis quelques centaines d'années. Bien entendu, le Khanat turc, qui est en partie dans le territoire actuel du Tatarstan, a été visité par les Huns, et parmi eux, bien sûr, les Bulgares. Bien que ce Khanat n’y ait pas structuré d’état on peut considérer qu’il est cependant une prémisse de la structure d’état des Tatars de la Volga.

Les anciens Tatars faisaient partie de ce Khanat turc, un grand Etat médiéval, qui avait sous son contrôle des parties actuelles de la Chine, de la Russie (Altaï), de l'Afghanistan, de l'Iran, de la Mongolie, de l'Asie Centrale et du nord-Caucase.

De fait, une majorité écrasante d’autres tribus turques de langue et de culture proches se sont rajoutées continuellement dans la composition des anciennes ethnies tatares, qui couvraient de vastes territoires. Aujourd'hui, lorsque certains ne reconnaissent que l’élément Bulgare parmi le groupe ethnique tatar, en niant les autres, ils commettent une erreur.

Par exemple, la Hongrie a été fondée par deux tribus ougriennes et cinq tribus bulgares. Les Ougriens étaient à cette époque très puissant ; ils dominaient et leur langue était dominante. Le Danube était sous la domination bulgare, mais les Slaves étaient plus nombreux, et leur langue est devenue dominante, mais le sentiment bulgare est resté car les tribus bulgares étaient mieux organisées. Le Tsar bulgare Asen était un descendant du clan Ashina. L'émergence du Khanat turc a été liée au clan Ashina. Et ainsi de même pour d'autres pays turcophones comme le Khanat Khazar, la Grande Bulgarie Ancienne et la Bulgarie de la Volga…

Mais nous devons continuer à propos des Huns. Beaucoup d’éléments de la civilisation tatare, en premier lieu l’art militaire, proviennent des Huns occidentaux, qui étaient nomades.

Selon Sima Qian (historien chinois du 1er siècle avant J.C., ndt), il y a eu une dynastie Hun en Chine, dont les représentants plénipotentiaires étaient les empereurs...

Tout le monde sait que les cultures du continent euro-asiatique ont fait des emprunts à la culture chinoise, mais très peu de gens savent, par exemple, que les Chinois ont, eux-mêmes, fait des emprunts aux nomades.

Les stéréotypes modernes considèrent les cultures nomades comme sous-développées, comme une étape vers la civilisation, et donc ne reconnaissent que l'influence des antiquités européenne et chinoise vers la Steppe, mais pas le contraire.

En vérité, la steppe a influencé les civilisations chinoises et antiques, et pas seulement en termes de fourniture de biens et de technologies ou de connaissances, mais aussi, par exemple, dans le domaine militaire et même pour les vêtements et la mode vestimentaire.

Par exemple, les pantalons, les selles, les étriers et le sabre léger ont été donnés à l'humanité par les nomades.

P.N. Savitsky (géopoliticien soviétique du 20èeme siècle, ndt) écrit dans une lettre :
« Les nomades ont donné au monde le pantalon et la selle. Il ne fait aucun doute que ces inventions très importantes ont été faites dans le monde nomade. Ces inventions sont simples, comme tout ce qui est génial. On peut dire au final, que les nomades ont vêtu d'un pantalon tout le monde habité et l’ont assis sur une selle ».

Le Musée de l'Ermitage à Saint-Pétersbourg conserve des vêtements, des roues de charrette, des articles ménagers, faits par les Huns. Bien sûr, se sont des objets primitifs, la forme des pantalons est sans prétention, mais ils étaient comme cela au moment de leur invention. Il est difficile d'imaginer les nomades avec une jupe romaine ou un kilt écossais, qui est encore aujourd'hui utilisé plutôt comme un emblème culturel que comme un vêtement très confortable. Le monde préfère les vêtements donnés par les nomades.

Tout ce qui concerne le cheval est toujours en rapport avec les nomades, et les nomades se sont toujours des Huns, des Turcs, des Tatars. Par ailleurs, les Turcs étaient à l'origine des agriculteurs. Cela s’observe avec les mots du turc ancien pour ce qui concerne l'agriculture et les produits associés à cette profession. Ensuite, les Turcs ont été des nomades, puis à nouveau des agriculteurs. Quand on parle, il faut savoir à propos de quelle période de temps spécifique on parle. Est-ce quand les Turcs étaient des peuplades nomades ou semi-nomades ou des peuplades urbaines ?

Quand on parle des nomades il ne faut pas penser pas qu’ils n'avaient pas de villes. Ils avaient des villes, mais ils n'étaient pas intéressés par les montagnes ou les forêts. En fait, cela est dû à leur culture et à leur mode de vie associés à l'élevage et donc liés aux pâturages. Et, bien entendu, au fait de maîtriser un vaste territoire entre l'Est et l'Ouest. Par conséquent, à cette époque il ne pouvait être que des nomades. Et ils ont rempli leur mission historique.

Ainsi, contrairement aux mythes et aux mensonges au sujet des peuplades tatares, je tiens à dire que les anciens Tatars n'ont jamais été des gens sauvages, qui ne connaissaient pas la civilisation. Au contraire, ils avaient un niveau élevé de culture à tous les égards. Ce que nous trouvons dans les anciens états turco-tatars. Ces états ont disparus, mais ils ont toujours continué à nourrir et enrichir les états qui les ont suivis, dont certains ne sont plus nommés par le nom de Tatar...

Lorsque nous parlons d’histoire, il est nécessaire de parler non seulement de guerre, mais aussi de commerce et de contact culturel, ce dont, malheureusement, nous parlons dans une bien moindre mesure.

Tout ce que nous venons de dire a permis l'influence mutuelle des cultures en Europe et en Asie. Et dans ce cas, les peuples turcs ont joué un rôle clé.

traduction Inera Saragalieva et Jean Potier

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