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Le Taratarie vue de France au XIXème siècle

Au 19ème siècle en France, et plus généralement en Europe occidentale, la vision des pays tatars, même seulement dans leur géographie physique, était assez fausse, ainsi que l'illustre deux ouvrages de voyages, l'un imaginaire, le célèbre roman de Jules Verne "Michel Strogoff" et l'autre réel, les "souvenirs de voyage dans la Tartarie" d'un missionnaire catholique français, le Révérend Père Régis-Evariste Huc.

 

"Michel Strogoff"

Le roman de Jules Verne raconte le voyage héroïque du capitaine cosaque Michel Strogoff, chargé par le Tzar Alexandre II de porter une lettre stratégique de Moscou à Irkoutsk, pour prévenir le grand-duc, frère du Tzar, de l’arrivée prochaine de hordes tatares commandées par un officier russe félon, Ivan Ogareff, à la solde d’un Khan de Boukhara, Feofar Khan, en révolte contre l’empire russe et qui essaye de déstabiliser le Kirghizstan puis la Sibérie.

Alors qu’un courrier du Tzar, à l’époque mettait 18 jours pour accomplir le voyage de Moscou à Irkoutsk, Michel Strogoff mettra trois mois pour accomplir sa mission du fait de toutes les périlleuses épreuves qu’il devra affronter.

Ce roman est paru en 1876, et bien que Jules Verne ne date pas précisément ses péripéties, des recoupements permettent de situer l’action vers 1860.

 


                             

           Page de garde                                                              Couverture originale

Nous n’allons pas nous intéresser plus longtemps à l’histoire racontée, mais regarder ce que ce roman peut nous apprendre sur la vision que pouvait avoir dans la deuxième moitié du 19ème siècle les français sur le monde tatar. Il convient toutefois de signaler que Jules Verne a reçu pour écrire son roman les conseils de Ivan Tourgueniev, qui avait le même éditeur que lui en France.

Point de vue géographique de Jules Verne

Les peuplades tatares sont géographiquement situées sur deux zones : la Sibérie et le Turkestan.

Les zones tatares modernes, de la Volga et de Crimée sont considérées comme étant géographiquement, politiquement et culturellement totalement intégrées dans la Russie d’Europe.

Dans la partie 2 chapitre 1, Jules Vernes dresse un inventaire des troupes tatares sous les ordres du Khan rebelle ; En plus des révoltés Sibériens et Kirghiz, ce sont des populations rattachées au khanat de Boukhara, des Tadjiks, des Ouzbeks, des Mongols, des Afghans, complétées par des esclaves persans et des serviteurs juifs…

 

Point de vue ethnique de Jules Verne

Dans la partie 1, chapitre 2, Jules Vernes se risque à faire une description ethnique (pour ne pas dire raciale) des tatars.

 Nous reproduisons ci-dessous cette description :

« Depuis longtemps, en effet, les Tartares du Turkestan, et principalement ceux des khanats de Boukhara, de Khokhand, de Koundouze, cherchaient, aussi bien par la force que par la persuasion, à soustraire les hordes kirghises à la domination moscovite.

Quelques mots seulement sur ces Tartares.

Les Tartares appartiennent plus spécialement à deux races distinctes, la race caucasique et la race mongole.

La race caucasique, celle, a dit Abel de Rémusat, « qui est regardée en Europe comme le type de la beauté de notre espèce, parce que tous les peuples de cette partie du monde en sont issus, » réunit sous une même dénomination les Turcs et les indigènes de souche persane.

La race purement mongolique comprend les Mongols, les Mandchous et les Tibétains.

Les Tartares, qui menaçaient alors l’empire russe, étaient de race caucasique et occupaient plus particulièrement le Turkestan. Ce vaste pays est divisé en différents États, qui sont gouvernés par des khans, d’où la dénomination de khanats. Les principaux khanats sont ceux de Boukhara, de Khiva, de Khokband, de Koundouze, etc.

À cette époque, le khanat le plus important et le plus redoutable était celui de Boukhara. La Russie avait déjà eu à lutter plusieurs fois avec ses chefs, qui, dans un intérêt personnel et pour leur imposer un autre joug, avaient soutenu l’indépendance des Kirghiz contre la domination moscovite. »

Point de vue éthique de Jules Verne

Là non plus, Jules Verne ne s’embarrasse pas de nuance…

Les bons se sont les Russes Blancs, les méchants se sont les Tatars, et tous leurs alliés d’Asie ou du Turkestan.

Les tatars sont décrits comme des guerriers braves, mais sanguinaires et sans aucune pitié, complètement dévoués à leurs chefs. Ils pratiquent, sans aucune retenue, toutes les formes de fourberie et de tortures physiques ou morales.

Ce roman a eu un succès considérable en France, comme dans beaucoup de pays, et a connu également de nombreuses adaptations cinématographiques, télévisuelles ou en dessin animé (12 au total).

Jules Verne en fera également en 1880 une adaptation pour le théâtre.

L’imagerie intellectuelle personnelle de Jules Verne s’est donc ainsi beaucoup répandue dans le monde occidental.

Une anecdote significative : la naissance du steak tartare

Ce n’est pas directement Jules Verne qui a inventé le steak tartare, mais c’est bien à cause du succès de sa pièce de théâtre que les cuisiniers des plus grandes brasseries parisiennes (établissements plus "décontractés" que les restaurants "normaux") se sont inspirés du "Koulbat" présenté dans la pièce de théâtre et ont créé cette recette à base de viande de boeuf ou de cheval, coupée en petits morceaux et servie crue avec un œuf et des épices. Cette recette sanguinaire correspondait parfaitement à l’image des guerriers tatars, qui depuis leurs présumés ancêtres "les Huns" mangeaient de la viande crue, attendrie seulement sous la selle de leurs chevaux !

Cette recette est donc inspirée de seulement cinq répliques de la scène 5 de l’acte 2 entre deux personnages secondaires, un journaliste anglais (Harry Blunt) et un hôtelier tatar (le Maître de Poste) :

...

LE MAÎTRE DE POSTE. – Je puis offrir à Monsieur du koulbat.

BLOUNT. – Quelle est cette chose... koulbat ?

LE MAÎTRE DE POSTE. – Un pâté fait avec de la viande pilée et des oeufs.

BLOUNT. – Alors, servez koulbat. Et vous avez encore ?

LE MAÎTRE DE POSTE. – Du kwass.

...

 Et, encore à ce jour, la spécialité du restaurant "le Jules Verne" au premier étage de la Tour Eiffel à Paris est le steak tartare !

 

 

 Gravures reproduites du roman "Michel Strogoff" de Jules Verne, édition Hetzel, publié en 1876. Dessins de Jules Férat, gravés par Ch. Barbant. 

Edition de Michel de l’Ormeraie, fac-similé de l’édition d’origine Hetzel.

 

   

Carte du voyage 1ere partie                                                                                    Carte du voyage 2ème partie

 

       

Le tzar et Miche Strogoff                                               Nadia, la bonne héroïne, originaire de Livonie                                        Nadia, avec des asiatiques

(ancien nom des états baltes) ici avec des russes

 

       

                        Sangare, la mauvaise héroïne, d’origine gitane                                               Nijni-Novgorod                                                                                Kazan                                                                 

 

       

           Un relais de poste                                                            Village entre Ekaterinbourg et Tioumen                                   Camp de l’émir Féofar Khan à Kolyvan

(près de Novossibirsk)

 

        

Dans la tente de l’émir Féofar Khan                                                           Sur le lac Baïkal                        

                            
  

"Souvenirs d'un voyage dans la Tartarie le Thibet et la Chine"

Ce récit de voyage a connu un grand succès en France dans la deuxième moitié du 19ème siècle et a été continûment reproduit jusqu'en 1925. Il valu même à son auteur d’être nommé conseillé de l’empereur Napoléon III pour les questions chinoises.

Pour ce qui nous concerne, il est très important de comprendre que la Tartarie, dans l’esprit de l’auteur, est à peu près équivalente à la Mongolie, et que la zone géographique couvrant le cour moyen de la Volga et jusqu’à la mer Caspienne est considérée comme étant rattaché à la Russie Européenne.

Remarquons que dans certains ouvrages de l’époque cette zone est parfois nommée la "petite Tartarie".

 

 

 Reproductions tirées de "Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine" du Révérend Père Régis-Evariste Huc, missionnaire lazariste, fait en 1844.

 

        

                                              Page de Garde                                                                                                                                   Carte de la Tartarie                                                                

 

Texte Jean Potier

Reproductions faites à partir des deux livres pré-cités

  

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